Échos de la Nocturne du vendredi 30 janvier 2009
Aucun doute : la Nocturne de ce vendredi 30 janvier 2009 restera gravée dans nos souvenirs ! Non seulement parce c’était la première de l’Année mondiale de l’Astronomie, mais surtout parce qu’elle a offert à la vingtaine de courageux qui avaient osé braver le froid des images et des émotions à couper le souffle.
C’est sur notre site habituel, dans la campagne environnant l’abbaye de Bonne-Espérance, que nous avions installé le camp d’observation. Si notre site d’observation est loin d’être préservé de la pollution lumineuse, l’absence de poussières, la faible humidité et un impitoyable vent glacial, ont fortement limité la diffusion des lumières parasites. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pu nous immerger corps et âme dans ce merveilleux ciel d’hiver… quelle merveille ! L’an dernier en effet, une grande partie des Nocturnes avait été affectée par une instabilité météo assez grande, un manque de transparence, etc. Ici, c’était grandiose : le Chasseur Orion est là, devant nous, majestueux ; Betelgeuse la Rouge et Rigel la Bleue scintillent de mille feux. La Grande nébuleuse est visible à l’œil nu. Au pied du Chasseur, le Lièvre, particulièrement bien visible, tremble de peur, le Grand Chien est debout sur ses pattes arrière, portant à son cou la resplendissante Sirius. Le Taureau, fuit ses prédateurs, emportant avec lui dans sa course sans fin les Hyades. Le ciel est beau, très beau. De quoi avoir le vertige presque. Tout cela nous a manqué.
Nous sommes environ une vingtaine sur le site, dont des nouveaux-venus, parmi lesquels des amateurs venus même de la Capitale ! Joël est aux commandes du TOM1 du Cercle (tube Meade SC de 10 pouces sur monture EQ6), Pierre M. pilotait son C8 flambant neuf, et Pierre D. son impressionnant Dobson Kepler de 10 pouces. Pino avait laissé son Maksutov et avait amené son historique lunette de 60 mm ‑ Andromède pour les intimes ‑, et avec laquelle il écume le ciel depuis 20 ans ! L’armada d’instruments est complétée par des éclaireurs de choc : nos jumelles géantes 25*100 solidement installée sur leur monture à fourche !
Après les traditionnelles balades-découvertes pour que les nouveaux-venus au travers de ce paysage cosmique, le temps est venu de plonger au cœur du ciel profond. A tout seigneur, tout honneur, nous jetons notre dévolu sur M42, la Grande nébuleuse d’Orion, déjà visible à l’œil en vision décalée. La Nébuleuse se situe pourtant à plus de 1 500 années-lumière de Bonne-Espérance !
Ensuite, nous passons aux jumelles. La caractéristique forme d’aile d’oiseau est déjà visible. Puis, c’est à la binoculaire installée sur le C8 de Pierre que nous perdons pied, emporté dans les volutes diaphanes de la reine des nébuleuses, qui semblent se dévoiler à nous en relief…
Le coup de grâce nous a été asséné lorsque nous avons sorti le nouveau joyau du Cercle, l’oculaire rêvé par tous les amateurs, le plus performant et le plus étonnant, le dénommé Ethos et son incroyable champ visuel de 100° ! Joël nous propose alors une visite de la Nébuleuse au travers de ce hublot cosmique, installé sur le TOM1, équipé du réducteur de focale. Whaouw. Des détails jamais vus auparavant étaient même au rendez-vous.
Ensuite, nous sommes allés rendre visite à nos vieilles connaissances avec un plaisir sans cesse renouvelé : le temps passe, les instruments évoluent, les conditions météo diffèrent ?
Nous avons été sidérés par la beauté et la majesté de l’amas M37 dans le Cocher : il emplissait tout le champ de l’Ethos… M35 était beau aussi… Nous avons également observé la Nébuleuse du Clown au travers du Kepler et du TOM1, ainsi que Rigel qui est une jolie étoile double, dont les deux composantes présentent une très forte différence de luminosité. Petit moment d’émotion lorsque nous avons appris que si Rigel se situait à la même distance que Sirius, elle brillerait à la magnitude -10 !!! En effet, Rigel, qui nous semble déjà très brillante est située en réalité à près de 900 années-lumière, à comparer aux seulement 8 années-lumière de Sirius !
C’est d’ailleurs à l’occasion de l’observation de Rigel que nous nous sommes aperçu que le TOM1 était décollimaté. Pino et Joël ont réglé le problème en deux temps trois mouvements !
Et bien entendu, émerveillement traditionnels devant les Pléiades, le Double amas de Persée, l’Amas de la Crèche,…
Petite pensée pour Olivier, qui s’était lancé pour la première fois dans la mise en route d’un C8 doté d’un Goto. Ne disposant pas encore de batterie, Olivier a branché son instrument sur sa prise allume-cigare… tout allait bien, jusqu’au moment où, alors que sa procédure d’alignement était quasi terminée, l’alimentation électrique de sa voiture s’est coupée : tout était à recommencer ! Il venait de découvrir le système d’extinction automatique de son véhicule, dont il ignorait totalement l’existence… Mais il ne s’est pas découragé, et s’est remis en route ! C’est ça aussi l’astronomie d’amateur… il faut faire preuve de tellement de patience et d’obstination… mais on finit toujours par être récompensé !
Les résultats probablement les plus spectaculaires de la soirée ont été obtenus en installant l’Ethos sur le Dobson Kepler de Pierre. Malheureusement, nous n’étions plus que quelques-uns lorsque Pierre nous a proposé ce show Kepler-Ethos, les autres avaient capitulé suite aux attaques lentes et pernicieuses du froid et de la bise glaciale… Cette machine à observer, totalement manuelle, est pilotée de main de maître par Pierre, capable de rivaliser en vitesse et en précision avec n’importe quel système de pointage automatique ! Le seul autre amateur capable de « pointer à l’ancienne » aussi vite que lui est notre ami Sébastien Francq… sacrée référence ! Le Dobson de Pierre collecte en fait autant de lumière que notre TOM1, mais il est caractérisé par une focale beaucoup plus courte, et surtout par une optique plus simple et plus performante (Newton au lieu de Schmidt-Cassegrain). Là, je dois vous avouer que depuis les 20 années que j’observe, j’avais rarement vu cela… M42 était grandiose, et avec le filtre OIII, c’était encore plus dingue… Nous avons particulièrement été impressionnés par la vision des galaxies M81 et M82 dans la Grande Ourse : elles crevaient (presque) les yeux, étaient bien grosses, et… visibles en même temps dans le champ ! De même, nous avons été rendre visite au triple de galaxies dans le Lion M65, M66 et NGC 3628, elles aussi visibles en même temps.
Nous avons également observé Saturne, assez basse sur l’horizon, dont les anneaux sont presque fermés. Ce qui frappe, c’est la présence de plusieurs lunes dans le plan des anneaux.
Et puis, au-delà de tout ce que nous avons pu admirer ensemble, c’est aussi la remarquable ambiance qui régnait entre tous les participants, entre ces jeunes et moins jeunes, ces vieux habitués et ces néophytes nouveaux venus, quels que soient leurs âges et leurs origines.
Aux portes des soleils de la Nuit, c’est toute notre Humanité qui s’en trouve grandie : assemblage d’atomes inertes, perdus quelque part dans une quelconque galaxie spirale à la dérive, nous sommes pourtant des êtres vivants, capables de penser et d’avoir des sentiments, de réfléchir sur notre existence et d’admirer l’Univers qui nous a donné naissance, sans jamais trop savoir le pourquoi du comment. N’est-ce pas extraordinaire ? Allez, à la prochaine !
Francesco Lo bue
Voici quelques photos de la soirée :
Conjonction Lune-Vénus
M42 - Grande nébuleuse d'Orion (Canon 300D défiltré + Sigma 300) : 1 pose de 180s à 800 iso)
M37 - Amas ouvert dans le Cocher (300D défiltré au foyer TOM1 SC10" + reducteur :
1 pose de 30s à 800 iso)
Le Dobson 250mm de Pierre D
Le TOM1 SC10" sur EQ6 pro goto
